Fac-similés et documents d’archives, photographies et textes de souvenirs à l’appui, le journaliste et professeur associé à Paris-VIII Jean-Michel Djian a composé Vincennes. Une aventure de la pensée critique, un ouvrage dont la forme inventive reflète le fond d’une forte idée éducative. Créé en janvier 1969, leCentre universitaire expérimental de Vincennes, dit aussi université Paris-VIII, inaugurait en effet une utopie pédagogique. Car cette “Forêt pensante”, comme le dit l’écrivaine Hélène Cixous, infatigable cheville ouvrière du projet, fut avant tout un idéal d’émancipation par l’éducation. Pluridisciplinarité, absence de distinction entre cours magistraux et travaux dirigés, égalité de services entre enseignants, inscription des non-bacheliers et accueil des étudiants étrangers furent les innovations majeures de cet hétéroclite aréopage de précurseurs. Révérés ou perçus comme d’inoffensifs “penseurs garantis par l’Etat”, comme on disait en ce temps-là, Foucault, Barthes, Châtelet, Deleuze, Lyotard, Serres, Chomsky ou Marcuse étaient les grands noms de l’équipe pédagogique d’une expérience certes problématique, mais unique.
A ceux qui ont vécu avec amertume l’échec du mouvement des enseignants-chercheurs de 2009, cet ouvrage anniversaire mettra peut-être un peu de baume au coeur. Car en ressort l’idée que l’université n’est pas qu’un flux d’étudiants àorienter, ni un flot de départements à évaluer. Mais aussi une certaine idée de l’universalité et d’un savoir autonome à partager. Si Vincennes a “fait son temps”, comme le reconnaît dans sa préface Pascal Binczak, l’actuel président de Paris-VIII, il reste selon lui à inventer d’autres manières d’enseigner, loin des seuls objectifs de la rentabilité.
VINCENNES. UNE AVENTURE DE LA PENSÉE CRITIQUE de Jean-Michel Djian. Flammarion, 190 p., 45 €